Auteur de trois ouvrages sur la Franc-maçonnerie en Afrique noir, Joseph Badila a accordé une interview au magazine international L’ACTUALITE. Au cours de ce grand oral, le haut fonctionnaire congolais à la retraite a dressé un bilan sommaire de l’action maçonnique en Afrique.
Sans passer par quatre chemins, il a insisté sur le rôle de la Franc-maçonnerie en Afrique. Dans la même veine, il est revenu sur l’utilité d’introduire la Franc-maçonnerie sur le continent noir. Lire ci-dessous, l’intégralité de son entretien accordé au Magazine international L’ACTUALITE.
D’entrée, pourquoi un livre sur la FM à l’épreuve des particularismes en Afrique » ?
Dans la constante réflexion que j’opère sur moi-même, ce livre est le complément de ce que je peux partager avec les autres. L’Ordre maçonnique et l’Afrique ne manquent pas de susciter un embarras bel et bien palpable, d’où l’urgence de mettre en perspective la vocation universelle visant à faciliter les possibilités de réalisation du Maçon qui veut œuvrer à son épanouissement.
Quel est le lien entre la FM et la Tradition ?
Nous connaissons la distinction établie entre la FM de l’Antiquité, la FM des acceptés et la FM des modernes ou spéculative.
L’agrégation des deux courants, la tradition qui vient des bâtisseurs des cathédrales et la Maçonnerie moderne influencée par le courant des progressis comme Newton venus de l’Académie des Sciences de Londres réputés éveilleurs de conscience.
Rappelons simplement que l’initiation est à la fois un commencement, un projet, un processus. La tradition transmise de siècle en siècle est liée à l’approfondissement et à la compréhension des rites, des symboles et des mythes.
En quelques mots, c’est quoi le bilan de l’action maçonnique en Afrique ?
Aussi préparé(e) qu’il ou qu’elle puisse faire face aux réalités de la cité, la frilosité avec laquelle le Maçon ou la Maçonne prend sa plume pour coucher sur le papier des réflexions sur ses préoccupations après ce que nous vivons en ce début du 21e siècle relève d’un archétype qui ne sert pas encore de modèle.
Mais le Maçon ou la Maçonne a besoin aussi de la liberté pour s’exprimer. L’idéal maçonnique n’est pas oublié. Les Obédiences béninoise, congolaise, ivoirienne, et gabonaise, à un moment de l’histoire de leurs pays ont impliqué la nécessité de retrouver la raison dans la cité. Le F. Badila en parle dans son livre.
Autres actions constatées :
Ces références à la recherche de la paix, laissent toutes leur place aux ambitions des synthèses tirées dans l’esprit des travaux des REHFRAM.
La création de la CPMAM et les REHFRAM constitue une première dans l’organisation maçonnique régionale. Ce sont des éléments à mettre à l’actif de l’esprit de l’initiation maçonnique : « Rassembler ce qui est épars »
En quoi est-il utile d’introduire la FM en Afrique ?
Selon Edgar Morin, « Le vaisseau spatial continue à toute vitesse sa course dans un processus à trois visages : mondialisation, occidentalisation, développement. »
Tout est interdépendant, mais tout est séparé.
Avec l’introduction de la FM en Afrique, nous accédons à son sens universel. L’idéal que nous poursuivons c’est de « Rassembler ce qui est épars » avec cette possibilité d’aller vers l’avenir et vers la lumière sans rien séparer, des acquis antérieurs que nous ont légués nos ancêtres et que nous recommandent nos rituels :
« Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’appréciation individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique « .
Selon vous, quel est le rôle du FM africain dans la quête d’une renaissance continentale ?
L’histoire vraie des origines de la FM révèle une aventure humaine dont le but est de promouvoir et de défendre des « valeurs » communes, qui n’appartiennent à aucun parti, mais qui ont une évidente vocation à l’universalisme. Dans une société en perte de repères, le rôle du Maçon, qu’il soit blanc ou noir, est d’exprimer, de prouver une ambition d’amélioration de l’Homme. C’est la question vitale. Car pas de réforme politique sans réforme de la pensée elle-même. La question de l’amélioration suscite encore tant d’aspirations démocratiques. J’indique qu’à la base, dans toutes les sociétés, il y a multiplicité d’initiations. Mais l »initiation maçonnique est un enjeu de société. Anderson exalte l’idée selon laquelle le « Maçon saura imposer au monde un idéal de paix, de tolérance, de fraternité et de stabilité politique seuls capables d’assurer le bonheur spirituel et matériel des peuples « .
Quel est d’après vous le défi à relever par les Francs-maçons africains ?
Les défis sont de deux sortes :
Le premier défi consiste à déterminer le but de la FM et son importance. En bref, il faut affirmer qu’il faut avant tout faire confiance à la raison, la soutenir, car c’est elle qui mène à la vertu, mère de toutes les vertus.
Le deuxième défi :
En 2026, ‘Union Africaine tendrait à devenir une réalité dans le cadre de la Zone de Libre- Échange Continentale, la Franc-maçonnerie peut servir de Centre de l’Union en que les Maçons peuvent concilier une sincère Amitié
Parmi des hommes qui, pendant plus de 60 ans n’ont pas développer des relations d’affaires Sud-Sud.
L’opinion que la majorité des africains ont de la Franc-maçonnerie est-elle biaisée ?
Dans cette prise de position, le statut de l’Ordre maçonnique ne peut s’évaluer par le comportement d’une minorité de ses membres. La FM n’aura le droit de cité que ses membres s’attachent alors à exhumer l’héritage des bâtisseurs des cathédrales. De ce point de vue, ce qui essentiel c’est le maniement de nos outils. Quand on a le sens de ce qui est important, essentiel, on peut changer le regard de l’autre. « Agis de telle sorte que ta maxime particulière puisse être érigée en loi u universelle.
Il s’agit de savoir comment, quand on est Maçon, on pense.
Comment changer ce paradigme ?
Si l’on entend par paradigme, un modèle pour une déclinaison, le FM doit avoir une pensée utile, car la force vient de la pensée. L’humanisation de l’homme passe par le sens de la pensée. Il faut aller plus loin : « l’homme est la mesure de toute chose. » (Protagoras).
Si chez Nietzsche, toute sa philosophie est traversée par une question : « où est le philosophe véritable ? La Franc-maçonnerie, elle, prétend seulement enseigner à ses membres à s’abstraire des contingences profanes, ce qui constitue la condition préalable à une réflexion sur soi-même, à une intériorisation. »
Un message à l’endroit de la jeunesse.
En 1789, lors de la Révolution française, voilà un slogan qui a fait le tour de la planète : « La jeunesse est le fer de lance de la Révolution. «
Pour ce faire, la jeunesse a besoin d’une Vie pour se mettre au monde. Ceux qui nous gouvernent ont pour mission de faire sortir la jeunesse du désespoir nihiliste. Il est aujourd’hui beaucoup question de réalisme comme de vivre au présent. Qui sait là où va nous mener l’Homo numéricus » ? La société d’aujourd’hui est en passe de fabriquer une génération de mutations dépendantes de Facebook ou de Tik-Tok. La révolution numérique à la fois exalte et inquiète.
Les jeunes doivent être des allants et venants entre les connaissances et les nouvelles technologies. Les Fakes news sont incompatibles avec l’émancipation.
Votre mot de fin, M. Badila
L’Afrique est à la croisée des chemins. Sommes-nous devenus des désespérés ou des révoltés ? Dans ce désespoir et cette révolte, il faut des réponses, il faut proposer, des propositions face au désespoir et à la révolte.
Quand on a la foi maçonnique, que fait-on, si non vivre en recherchant sans cesse ou on va, et mesurer la valeur de l’existence.
