« L’école est sanctuaire autant que la chapelle ». Patrice Talon a-t-il oublié cette maxime ? C’est la question qui taraude l’esprit de nombreux internautes depuis l’avènement du président du Bénin, Patrice Talon, au pouvoir. Pourtant, rien ne semblait indiqué au début de son mandat que l’enseignement supérieur serait laissé sur le carreau.
En effet, sous sa direction et avec son engagement, le Bénin a entamé un processus de réorganisation de son système d’enseignement supérieur. Pour Patrice Talon, cette réorganisation passera par des changements dans les domaines de l’éthique, de la pédagogie, de la déontologie et de la qualité.
Dans ce contexte, de nouvelles règles de recrutement des professeurs de l’enseignement supérieur ont été annoncées. Alors qu’il présidait l’installation de la délégation générale au contrôle et à l’éthique dans l’enseignement supérieur au Bénin, Patrice Talon a dévoilé son ambition pour le secteur universitaire. Il a indiqué dans son discours de circonstance que « les grades du CAMES ne donneront plus automatiquement droit aux fonctions d’enseignant dans le supérieur public ». « Une qualification complémentaire sera requise », a-t-il ajouté.
Dans la même veine, le président béninois a indiqué que « désormais, au Bénin, celui qu’on dénomme communément professeur d’université devra être un expert dans sa discipline, et son expertise devra régulièrement être évaluée par d’autres experts de renommée internationale. Il devra savoir transmettre ses connaissances et être d’un professionnalisme irréprochable ; il devra aussi et surtout s’interdire toute relation ou tentative de relation amoureuse avec son apprenant ».
Ces nouvelles règles entrent en droite ligne avec les missions de la délégation générale au contrôle et à l’éthique dans l’enseignement supérieur qui est de faire respecter les normes prescrites en matière d’éducation dans les établissements d’enseignement supérieur aussi bien publics que privés. Pour le président béninois, il est devenu urgent de mettre en œuvre ces changements qui selon lui devraient garantir l’assainissement des mœurs, promouvoir la conscience professionnelle et veiller à la qualité du contenu des enseignements.
Mais entre les engagements pris et les annonces faites à grand renfort médiatique, il y a un gigantesque faussé. Sinon comment comprendre que malgré la volonté affichée du gouvernement de Patrice Talon, depuis la mise en place le 20 Avril 2024 du Fichier National des Aspirants de l’Enseignement Supérieur, rien n’a changé jusqu’à ce jour. La situation n’a pas évolué d’un iota.
Comme si cela ne suffisait pas, il y a une politique de « deux poids deux mesures » dans le processus de recrutement annoncé par le gouvernement de la rupture car, certains sont parallèlement déployés de l’enseignement secondaire vers le supérieur sur la base d’un simple arrêté alors que d’autres sont appelés à composer. Cela dépasse toute incompréhension et logique humaine. Pourtant, le gouvernement de la rupture a habitué ses compatriotes à mieux.
Une incompréhension totale qui laisser planer le doute sur le sérieux dans ce processus.
Sur la toile, les commentaires vont bon train. Les internautes évoquent la souffrance de ces docteurs en attente de recrutement qui, pourtant, ont satisfait à toutes les exigences du nouveau processus initié sans suite. Il convient de souligner que ceux-ci sont en attente depuis 2015.
Face à ce constat accablant, il est plus qu’urgent que les autorités compétentes notamment le président Patrice Talon prennent la mesure de ces enjeux et agissent sans tarder pour redresser la situation. Il s’avère davantage plus important que des politiques publiques plus efficaces et durables soient mises en œuvre. Le gouvernement de Patrice Talon gagnerait à changer de fusil d’épaule et à régulariser la situation de ces derniers. Il n’est jamais pour mieux faire.
C’est à ce prix que l’Université d’Abomey-Calavi pourra retrouver ses lettres de noblesses car, comme le disait Victor Hugo “L’école est sanctuaire autant que la chapelle”.
L’entrée du campus universitaire d’Abomey-Calavi en dit long sur l’état de santé de l’enseignement supérieur
Ce qui aussi urgent et dont a fait fi Patrice Talon, c’est la satisfaction totale des problèmes des étudiants.
Depuis l’avènement de la Rupture en 2016 à ce jour, une quarantaine de réformes ont été opérées dans ces sous-secteurs sur papiers à travers, décrets, arrêtés, notes de services et circulaires, etc. Mais sans aucune réalisation tangible. Tout ceci, avec la complicité coupable de certains enseignants et chercheurs. Et le silence ahurissant de la grande masse des enseignants, des administratifs et des étudiants.
le gel du transport des étudiants à l’UAC depuis plus d’un an ;
Dans les pays qui se respectent, les axes prioritaires de recherche et de développement sont définis par les responsables au haut sommet de l’État et sont confiés aux universitaires et aux chercheurs pour des recherches de solutions scientifiques idoines.
Les bus du campus d’Abomey-Calavi sont au repos depuis plus d’un an, monsieur le président de la république
Une quarantaine de réformes sont déjà opérées sans résultats concrets
Mais ici, le pouvoir de la rupture a multiplié les réformes depuis 2016. Au total, plus d’une quarantaine de réformes sont déjà opérées sans résultats concrets. Pour mémoire, les réformes sous la rupture dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique ont permis :
le recrutement d’environ 180 nouveaux Assistants en 2018 pour toutes les universités publiques sur une promesse de 1535 annoncée en 2016 sur la période 2016-2021 ;
le gel de construction des amphithéâtres dans toutes les universités malgré les effectifs sans cesse croissant des apprenants ;
le gel de recrutement de nouveaux Assistants enseignants et des chercheurs depuis 6 ans ;
le non reclassement des enseignants et des chercheurs inscrits sur les différentes listes d’aptitude du CAMES depuis 2021 ;
le gel du transport des étudiants à l’UAC depuis plus d’un an ;
le non-paiement des allocations (bourses et aides universitaires) à temps et autres frais de mémoires aux étudiants bénéficiaires ;
la non revalorisation des salaires des administratifs dans les universités depuis décembre 2022 ;
la duperie au sujet de la constitution du Fichier National des Aspirants à l’Enseignement Supérieur (FNAES) ;
le non paiement des heures de vacation et heures supplémentaires dans certaines universités,
le non paiement des indemnités de participation aux jurys de soutenance (licence, master et doctorat) aux enseignants bénéficiaires ;
le gel de recrutement de Chercheurs pour le compte du CBRSI depuis 2016 malgré les départs massifs à la retraite ;
le gel du programme de formation des formateurs qui permet aux Attachés de recherches de faire leur thèse;
la suppression sine die de la démocratie universitaire acquise depuis la période révolutionnaire qui consistait à élire les Chefs et Chef adjoints de département, Doyens/Directeurs, Vice Doyens/Directeur adjoints;
la suppression des élections sine die des élections des Recteurs et Vice-recteurs obtenue de hautes luttes depuis 2006 ;
le gel de l’Eméritat depuis 2016;
Le gel de la décoration des enseignants-chercheurs et chercheurs inscrits sur la LAFPT/LAFDR du CAMES ;
la limitation de l’âge au recrutement d’Assistants dans les UNB à 45 ans ;
les défalcations opérées sur les salaires des syndicalistes et de certains enseignants des UNB en février et mars 2018 pour avoir réclamé des recrutements d’Assistants au profit des universités publiques ;
le non financement de la recherche scientifique et de l’enseignement supérieur ;
l’éjection des représentants des Enseignants et des Chercheurs du Conseil Economique et Social (CES) à la suite de Loi organique sur le CES de 2024 ;
les mauvaises conditions de travail des apprenants, des administratifs et des enseignants, etc.
L’entrée du campus universitaire d’Abomey-Calavi
Devant ce tableau peu reluisant dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique et devant l’indifférence totale, la supercherie, la duperie des autorités ministérielles et gouvernementales face aux réels problèmes des universités publiques, des étudiants, des administratifs et des enseignants du supérieur.
L’histoire retiendra les noms des ministres, des recteurs sous qui, aucun recrutement direct de nouveaux Assistants enseignants n’a été fait pour le compte des Universités publiques malgré les départs massifs à la retraite et les nombreux décès dans les rangs des enseignants-chercheurs et des chercheurs.
L’histoire retiendra les noms des ministres, des recteurs sous qui, aucun recrutement direct de nouveaux Assistants enseignants n’a été fait pour le compte des Universités publiques malgré les départs massifs à la retraite et les nombreux décès dans les rangs des enseignants-chercheurs et des chercheurs.
Quel sort pour les 46.000 nouveaux bacheliers dans les universités publiques?
Le régime de la rupture sait bien que le développement d’un pays, dépend en grande partie de la qualité de son enseignement supérieur et des axes de recherches scientifiques. Et ceci passe par les infrastructures nécessaires, le personnel enseignant de qualité et en nombre suffisant pour mieux encadrer les apprenants. Ne pas financer ces secteurs et venir jeter de l’opprobre sur les acteurs qui s’échinent à maintenir la barque est simplement de la mauvaise foi.
Au Bénin, le président de la république, Patrice Talon, a beaucoup fait depuis 2016 à la tête du pays. Beaucoup de choses ont changé et cela est visible. Mais il reste encore à faire, surtout dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Quel pays, le pouvoir de la rupture veut–il construire en oubliant les rôles de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, et donc des universitaires ? Bien malin qui pourrait répondre à cette préoccupation.