Lorsqu’il a été élu en 2016, il portait en lui l’espoir d’une société juste, qui garantit la sécurité alimentaire. Il avait promis l’abondance, et le mythe du conteneur rempli de billets de banque promettait une meilleure santé au panier de la ménagère. Le vent des priorités a permis de comprendre très tôt que le panier de la ménagère serait sacrifié sur l’autel du développement.
Le mythe du conteneur fut percé, et les billets de banque furent voués à l’oubli. La situation était devenue telle que, à force de crier famine, la détresse des Béninois était devenue grande et leurs omoplates saillantes. Alors, on leur demanda de serrer leur ceinture jusqu’à la prochaine saison. Réélu en 2021 sur cette promesse, le chef de l’État avait alors promis de noyer le malaise social dans le « hautement social ».
Plus de huit ans plus tard, le constat est sans appel. Le pouvoir d’achat n’a de pouvoir que de nom. La cherté de la vie n’a d’égal que dans un passé lointain, et la précarité est plus élevée qu’auparavant. Selon certaines indiscrétions, la fermeté de la voisine nigérienne à propos de la réouverture des frontières aurait une influence. La hausse brutale et vertigineuse des prix des produits de première nécessité, en particulier ceux du gari et du maïs, est fatale. Pour le Béninois moyen, se nourrir est devenu un luxe. Les espoirs d’amélioration, nourris depuis 2016, se sont effondrés. La faute, dit-on, à l’inflation ?
Or, on appelait autrefois à « consommer local » et à préserver les produits locaux pour que les Béninois soient libérés de la famine et de l’insécurité alimentaire pendant les périodes de pénurie. Le gouvernement avait d’ailleurs mis en place des « boutiques témoins » pour faciliter l’achat des produits de première nécessité par les Béninois à des coûts raisonnables, comparativement aux prix pratiqués sur le marché. Ces boutiques ont été fermées sans que des solutions alternatives aient été mises en place. Les nouveaux produits vedettes de l’agriculture ne sont pas des produits vivriers. Les promesses de croissance économique vacillent sous le poids des emprunts obligataires, et le pouvoir d’achat diminue, même chez les actifs. Cela témoigne de l’échec à constituer durablement une politique d’autosuffisance alimentaire, dont les espoirs ont été cruellement déçus par un choix politique inadéquat.
Les coûts exorbitants de la vie sociale nous ramènent à une vie où le Béninois moyen ne fait que survivre. Cette tension est marquée par une distorsion qui conjugue la déception, la désillusion et même la colère. Il est faux de dire que, depuis plusieurs décennies, les Béninois vivent au-dessus de leurs moyens. Certes, ils ont peut-être cru cesser d’être des prolétaires un moment en raison de la prospérité partagée induite par l’argent politique sous les régimes précédents. Mais que dire alors d’un Bénin où la normalité est devenue un luxe ? Le Béninois habitué à consommer doit se restreindre pour survivre. Pourtant, son éducation ne l’a pas habitué à la sagesse stoïcienne.